Le Gouvernement Princier, par lettre du 25 avril 2018, a informé le Conseil National de sa décision de transformer la proposition de loi n°232 relative à l’instauration d’un droit au compte, en projet de loi n°991 (le « Projet de Loi »).
Déposé en séance publique le 3 avril 2019, le Projet de Loi vise à tirer les conséquences d’une réalité : tenir un compte auprès d’un établissement de crédit est aujourd’hui indispensable, que ce soit pour les besoins de la vie courante des personnes physiques ou pour l’existence juridique et économique des sociétés commerciales établies en Principauté.
Le Projet de Loi prévoit un droit à l’ouverture d’un compte de dépôt auprès d’un établissement de crédit figurant sur une liste à établir par Arrêté Ministériel. Ce droit est ouvert aux personnes suivantes ne disposant pas déjà d’un compte ouvert en Principauté :
- Les personnes physiques (i) de nationalité monégasque, (ii) domiciliées en Principauté1, y exerçant une activité professionnelle ou (iv) en cours d’installation personnelle ou professionnelle (pouvant justifier d’un récépissé de demande d’autorisation administrative en ce sens)2.
- Les personnes morales domiciliées en Principauté et qui y réalisent leurs activités commerciales, ou en cours de formation (pouvant justifier d’une demande d’autorisation administrative (ou autorisation) en ce sens)3.
Ce droit au compte s’accompagne d’un certain nombre de services bancaires de base, tels que l’ouverture, la tenue et la clôture du compte, la délivrance à la demande de relevés d’identité bancaire, la domiciliation de virements bancaires, la réalisation des opérations de caisse, deux formules de chèque de banque par mois ou services équivalents etc…
Le Projet de Loi entend, néanmoins, maintenir un équilibre juridique entre, d’une part, la liberté contractuelle des établissements bancaires et leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, la corruption et le financement du terrorisme, et, d’autre part, le droit des personnes à l’ouverture d’un compte bancaire de dépôt.
Ainsi, les établissement bancaires conserveraient la faculté de refuser l’ouverture d’un compte bancaire en justifiant de l’un des motifs limitativement prévus par le Projet de Loi. Ces motifs légaux de refus seraient les suivants :
- En cas de condamnation pénale pour des crimes ou délits énumérés par le Projet de Loi, tels que le blanchiment du produit d’une infraction ou encore la commission d’actes terroristes ;
- En cas de condamnation fondée sur les dispositions de l’Ordonnance Souveraine n°15.320 du 8 avril 2002 relative à la représentation du terrorisme ;
- En cas de condamnation fondée sur les dispositions de la loi n°890 du 1er juillet 1970 relative aux stupéfiants ;
- Si la personne ne satisfait pas aux conditions posées par le Projet de Loi pour bénéficier du droit au compte (personne physique ou personne morale non domiciliée à Monaco, existence d’un autre compte ouvert en Principauté) ;
- Lorsque la vérification de l’identité d’un client ou des bénéficiaires économiques effectifs ne peut être opérée au sens de la loi n°1.362 du 3 août 2009, modifiée par la loi n°1.462 du 28 juin 2018, relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption.
Dans l’éventualité d’un refus, l’établissement de crédit sera tenu de communiquer gratuitement au pétitionnaire un écrit exposant les motifs dudit refus.
Par ailleurs, la consécration du droit au compte emporterait pour corolaire l’obligation de détenir un compte auprès d’un établissement de crédit de Monaco pour les personnes physiques ou morales, quelle que soit leur forme juridique (S.A.M., S.N.C., S.C.S., S.C.A., ou S.A.R.L) exerçant une activité économique en Principauté4.
Tout litige consécutif à un refus d’ouverture d’un compte dépôt pourra être porté devant les juridictions dans les conditions de droit commun.
Enfin, le Projet de Loi prévoit également qu’un compte de dépôt ouvert en vertu du droit au compte ne puisse être résilié unilatéralement par l’établissement de crédit que pour des motifs limités, principalement ceux pouvant être opposés au demandeur lors de l’ouverture du compte, cités ci-dessus.
Aux termes du Projet de Loi, la consécration du droit au compte vise notamment à donner une impulsion favorable à la création d’activités en Principauté.
L’obligation de motiver les refus au regard de critères précisément énumérés par la loi ajoute de la transparence et permettra aux candidats éligibles, dont l’ouverture du compte est très souvent un aspect déterminant de leur projet personnel ou professionnel, de vérifier leur éligibilité en amont et de mieux préparer leur dossier. En cas de refus, ils pourront mieux comprendre la décision de l’établissement de crédit et faire valoir leurs droits, le cas échéant.
1 Au sens de l’article 2 du code de D.I.P., le lieu où la personne a son principal établissement. Les sociétés et personnes morales ayant leur siège social en Principauté y sont réputées domiciliées.
2 Le Projet de Loi prévoit que ce droit au compte ne peut être exercé que si le pétitionnaire ne bénéficie d’aucun autre compte de dépôt ouvert en Principauté ou que ce dernier est en cours de résiliation. De plus, une personne physique pourra bénéficier de ce droit au compte lorsque ce dernier agit dans le cadre de son activité professionnelle, quand bien même il en posséderait un pour ses besoins personnels.
3 Le présent Projet de Loi n’est pas limitatif de sorte que toutes sociétés, fondations ou même associations pourront se prévaloir de ce droit.
4 Cette obligation est déjà prévue au regard des Sociétés à Responsabilité Limitée (S.A.R.L.) en vertu de l’article 35-3 du Code de commerce, qui impose une libération du capital social dans un compte ouvert à cette fin auprès d’un établissement de crédit installé en Principauté.